La galerie Jousse Entreprise est heureuse d’annoncer la seconde exposition personnelle du peintre Tim Eitel intitulée Vie imaginaire, chapitre III : Interaction(s). Elle présente ses récents travaux dont une série de portraits qui inaugure une nouvelle étape dans la pratique de l’artiste.

Les peintures de Tim Eitel sont connues pour représenter un mouvement de la réalité – une figure qui marche, observe, s’avance – totalement épuré de son contexte d’origine. Des lignes droites construisent une architecture, des aplats de couleur suggèrent une profondeur, des ombres dessinent un espace : une simplicité de la composition qui concentre toute l’attention du spectateur sur un moment propice à l’introspection. Les silhouettes, souvent représentées de dos, habitent silencieusement ces espaces désertiques et imaginaires. Or, il arrive que la réalité dépasse la fiction : la symbolique de l’isolement propre aux peintures de Tim Eitel paraît trop illustrative de nos solitudes pandémiques. Il s’agit désormais de dépasser cette période de communication sans corps, sans visage et sans présence.

L’ensemble de dix portraits réalisés d’après-nature est exemplaire de cette nouvelle appréhension de la peinture comme moyen d’interaction. En l’espace de deux heures, l’artiste se voue à l’entreprise de brosser le portrait d’un proche ou d’une connaissance. Aucune préparation, aucune esquisse en amont, ni même aucune retouche en aval : cette peinture est le produit brut de cette instantanéité qui ne laisse place ni à la réflexion, ni à la reconstruction. Seule réside l’interprétation spontanée de l’artiste, comme une tentative d’être au plus proche de la magie du présent.

Dans ce face à face immédiat se jouent des tensions, des impatiences, des crispations desquelles il faut trier l’accessoire de l’essentiel. Par cet acte, qui relève presque de la performance, naît une nouvelle rencontre avec ce visage pourtant familier. Le modèle autant que le peintre se soumet au regard impudique de l’autre, qui scrute les traits, guette les expressions, devine les sentiments. Une mise à nu ou une mise en scène face à l’œil caméra qui enregistre un moment en train de se dérouler comme dans l’œuvre Équipe de tournage. Face à l’objectif, un homme énonce un discours et retient l’attention de son auditoire, à l’exception d’une personne, dont le regard en coin trahit une présence extérieure. Une même impression se fait ressentir dans la peinture Demi-cercle, face à l’air interpellé des personnages, le visage tourné dans notre direction. Autrefois absorbées dans un ailleurs incertain, les figures représentées dans les peintures de Tim Eitel s’animent et s’activent désormais dans un mouvement commun : elles interagissent, s’enlacent, se croisent, se mettent en action ensemble. L’heure est à l’interaction et non plus à l’observation. Le regardeur est dorénavant regardé comme pour mieux signifier que la peinture n’existe qu’au travers des yeux de l’autre.