Ce sera
La sensation du corps contre un autre. Une danse suspendue.
Au cœur de la forêt de Simon Martin, les promeneurs flottent, presque imperceptibles dans la brume des souvenirs. Les peaux s’effleurent, se grisent, puis se fondent dans une étreinte nébuleuse, incertaine. Les arbres ici verts violets, là-bas bleus menaçant, perdent pied dans le magma vibrant d’un sous-bois. Deux jonquilles miroitent dans l’obscurité émeraude, narcisses solitaires de la fin de l’hiver.
À l’orée de sa peinture, deux silhouettes s’éclaircissent à la lumière de la Lune, puis semblent s’évanouir dans une même pulsation.
Ce sera
(…) l’empreinte d’un avenir pour des espèces complices.
Les sculptures de Xolo Cuintle retracent l’origine d’un destin commun. Les relations interdépendantes entre insectes et végétaux éma- nent depuis les bas-reliefs en céramique jusqu’aux courbes voluptueuses du béton. C’est dans un circuit ornemental que naissent les symbioses entre un papillon et une fleur d’origan, sa plante hôte devenue le berceau de ses larves. Dans la chambre florale de l’Arum sont retenues le temps d’une nuit des moucherons qui, libérés au matin, iront polliniser l’inflorescence voisine. L’herbier resilient de Xolo Cuintle se loge ainsi dans les recoins du sol, dans les nervures du bois sinon dans l’écorce d’une colonne.
Pour décider du paysage, Nathan Bertet sillonne les chemins et les routes d’un lieu cher, celui qui ne s’épuise jamais.
Au fil des saisons, au rythme de sa mémoire, ses petits formats s’imprègnent de toutes les variations insaisissables du décor de sa ville natale. Nathan Bertet dépeint les contours suburbains de Palaiseau et de sa forêt domaniale – pas tout à fait réels, pas tout à fait revés. Les couches d’huile et les pigments mûrement mélangés revêtent les toiles – chaque jour presque – des états d’âme successifs d’une nature ondoyante. Et, si sur les feuilles de son carnet, l’aquarelle est peinte dans un mouvement peut-être instantané, sa surface se gorge des aspirations de l’eau et de l’encre pour révéler des bribes palpables du quotidien.
Dans les humeurs de la terre, Masha Silchenko fait pleurer des fleurs et des mots.
Spectrales, ses créatures et objets apparaissent dans la décoloration de la toile. Comme un tournesol en quête de lumière dans l’obscurité, ses œuvres dépeignent des âmes troublées dans l’innocence de la nuit. L’atmosphère funèbre de son travail contraste avec la légèreté des supports. Suspendue par des fils de fer délicatement entortillés en fleur, la toile flotte, tandis que les pièces en céramique, elles, s’ouvrent et se figent. Ses espaces se déploient comme des fragments de mauvais songes habités, où l’éclat de la matière participe à la tension, ou plutôt l’extension.
Bientôt, ce sera.
Sarah Nasla, Camille Vaillier et Mathilde Vie-Binet