
LOUIDGI BELTRAME | Fragata magnífica, magnífica fragata
In situ 22 mars 2025 - 26 avril 2025*Le vernissage de l’exposition initialement prévu le 20 mars est déplacé au 22 mars en soutien au mouvement de grève et de mobilisation des travailleurs et travailleuses de l’art.
Philippe Jousse et l’équipe de la Galerie Jousse Entreprise le plaisir d’annoncer la nouvelle exposition personnelle de l’artiste Louidgi Beltrame du 22 mars au 26 avril 2025. Le vernissage se tiendra le samedi 22 mars de 16h à 21h, en présence de l’artiste.
« … imaginons chaque mythe comme un polyèdre régulier cristallin,
suspendu en apesanteur dans le vide, dont chacun des sommets touche,
en parfait équilibre géodésique, la surface d’une sphère imaginaire iridescente.
L’intégrité du corps entier dépend entièrement de l’intégrité de ses facettes,
chaque facette représentant une histoire…
L’univers n’est que peu peuplé de ces polyèdres, aussi énormes soient-ils.
Ici et là, une faible nébuleuse marque, peut-être, la région où un nouveau mythe s’efforce de prendre forme ;
ailleurs, de sombres braises brillent à peine, vestiges d’une expérience perdue à jamais pour la conscience.
Un trou déchiré dans le tissu même de l’espace, d’où aucune énergie ne s’échappe, marquerait l’endroit
où les polyèdres noirs de l’Inconnaissable se sont évanouis.
Toutes les facettes ne portent pas d’images. Certaines sont poussiéreuses, d’autres fissurées,
d’autres encore sont remplies d’images insensées d’insectes, ou encore d’une vague couleur écarlate,
parcourue d’étincelles. Certaines sont transparentes comme du gin.
Certaines sont brillantes comme des miroirs et reflètent nos propres visages… puis nos yeux… et derrière nos yeux, au loin, nos pensées polyédriques, scintillantes, tournoyantes comme des galaxies.»
Hollis Frampton
L’exposition personnelle de Louidgi Beltrame, Fragata magnífica, magnífica fragata, présente un ensemble de films super-8 et de dessins à l’encre sur toile en lien avec les projets récents de l’artiste. Ce titre est aussi celui d’un diptyque de films de frégatidés (fragatas) en vol dans le ciel de Rio de Janeiro. La même séquence d’images est passée en noir et blanc, en négatif et à l’envers pour produire le deuxième film. Ce simple décalage produit une forme d’abstraction de l’image, de par les moyens techniques de son enregistrement et de sa diffusion. Les silhouettes singulières des oiseaux se déplacent dans des directions inverses sur deux écrans installés sur socles, et semblent entrer en résonance avec l’agitation moléculaire du grain de la pellicule.
Un deuxième film intitulé Huancor (2025) montre les pierres marquées de pétroglyphes du site de Huancor dans les Andes péruviennes. Il est accompagné d’une liste détaillant les différentes figures gravées écrite par un archéologue cubain, qui est lue et qui se lit comme un poème dans le film. Les deux autres films dans l’exposition ont eux aussi été tournés au Pérou.
Rose moderne (2025) est une série de plans fixes du palais inca de Puruchuco. Les images du site, adoucies par leur enregistrement en super-8, surprennent par le dépouillement moderniste de ses formes architecturales, ponctuées par l’apparition d’une grue, le sifflement du poète Jorge Eduardo Eielson, ou le profil chaotique de la banlieue de Lima qui l’entoure.
Un troisième film intitulé Pakatnamu, prémonition (2025), témoigne d’un moment d’enregistrement troublant. Filmé en 2015,
lors de sa première visite du site de Pakatnamu pour le repérage du film El Brujo (2016), les séquences montrent le paysage lunaire et halluciné du site archéologique, parsemé d’ossements et ponctué par les trous creusés par les huaqueros (fouilleurs de tombes). Louidgi Beltrame filme le site une première fois mais sa caméra s’enraye constamment. Averti par la personne qui l’accompagne de la nécessité de faire une offrande à la huaca*, l’artiste retourne sur le site et filme à nouveau après avoir fait l’offrande,
cette fois-ci sans aucune perturbation. Les séquences enrayées alternent avec les séquences nettes dans le montage du film,
et dans les derniers plans, la caméra semble s’évader vers la mer. Tout comme ses Vortex, dessins à l’encre de faisceaux de couleurs qui rayonnent autour d’un vide central, Pakatnamu, prémonition est construit autour d’une présence occulte rendue visible par ce qui en émane. Cette présence n’est jamais nommée par Louidgi Beltrame, qui ne fait qu’en constater les effets, qu’il qualifie de hantise. Dans les intertitres au début du film, l’artiste décrit l’enregistrement du film, et explique le jeu de hasards et de rencontres qui l’ont amené en 2022 au même endroit à Pakatnamu pour y filmer La huaca llora (2024).
Les différents projets de Louidgi Beltrame au Pérou et ailleurs sont reliés par une forme de recherche ouverte aux contingences, dérives et décalages de toutes sortes. Son approche est celle d’un artiste-cinéaste qui enregistre aussi les textures et les aspérités d’une situation, son relief, comme dans un frottage. Suivre une rencontre jusqu’à ce qu’elle se transforme en dialogue ou en collaboration, accepter les imprévus d’une situation, ses secousses ou ses emportements, tout cela, loin d’être passif, témoigne plutôt d’une autre forme d’activité, en lien avec l’écoute et l’observation. Les errances de son travail se lisent ainsi comme les arabesques d’une recherche, d’un effort sans cesse renouvelé pour ouvrir et mobiliser d’autres perspectives, que son public saisi à la manière de perceptions fugitives, dans les interstices de son œuvre nomade et protéiforme.
*mot qui désigne à la fois un lieu ou un objet sacré
Vernissage : 20/03/2025 4:00 pm
Artistes de l'exposition >