SEULGI LEE | TRANSMEARE

Hors les murs 17 juin 2022 - 17 septembre 2022

Adresse : FRAC Picardie, 45 rue Pointin, 80000 Amiens

Transmeare est un mot-image. Il signifie « glisser au-delà ». Il crée le mot « trame » et « transmettre ». Il recèle peut-être quelques échos de lointaines navigations, de langues anciennes, de réseaux transocéaniques d’échanges et de collaborations. Les œuvres de cette exposition parlent la langue silencieuse de l’abstraction et celle, mystérieuse, des codes à déchiffrer. Elles recèlent, dans leurs plis colorés, des manières de vivre en commun, de s’organiser, de travailler et de penser ensemble. Transmeare porte une hypothèse : et si chacune de ces fictions discrètes contenait, une fois mises ensemble, les traces d’intrigues millénaires à reconstituer ? Et si la pensée et l’art s’étaient bâtis, sans le savoir, sur la persistance de cette trame textile, souterraine et secrète ? Cette exposition a été conçue comme une communauté de recherche, d’amitiés et de complicités artistiques, volontaires ou involontaires, entourant le projet annuel d’Ulla Von Brandenburg en partenariat avec la ville d’Amiens.

Transmeare est une exposition tramée. La trame appartient au vocabulaire du textile (le résultat de l’entrelacement de fils individuels sur un métier à tisser) et à celui de l’intrigue, du complot, du théâtre, de la criminologie, et du cinéma. Tisser, tramer et nouer furent longtemps l’apanage mythologique du travail des femmes. La colère de Clytemnestre face à Agamemnon ne s’exprimait-elle pas dans le tissage d’un tapis pourpre, vêtement-piège meurtrier, à la fois objet de ruse (métis) et de discorde (éris) ? Et Médée, la sorcière déshonorée, n’accomplissait-elle pas sa vengeance en offrant à Créüse, sa rivale, une robe empoisonnée ? Lorsqu’elles sont artisanales, le tissage, la couture, la broderie sont des activités laborieuses et silencieuses et par conséquent mystérieuses et dangereuses. Comme le formulait Colette, dans La Couseuse, observant Bel Gazou « muette quand elle coud », sa mère s’inquiétait de son mutisme et écrivait « donc le mot qui me fait peur : elle pense ». Les œuvres textiles sont des objets équivoques. Elles peuvent exister au premier ou au second plan, attirer le regard ou disparaître, faire preuve de camouflage, être pliées, cachées, portées, accrochées, intégrées à l’architecture ou conserver leur autonomie esthétique. Du fait de leur position de faiblesse dans l’échelle des arts, elles ont pu demeurer dans l’angle mort de l’œil colonial, passer en-deçà des radars des pouvoirs hégémoniques, faire survivre des traditions ailleurs réprimées et infiltrer, discrètement, toutes les dimensions de nos sociétés. L’art textile est un art de l’intrigue, et d’intervention autant que d’exposition. Il pénètre les intérieurs domestiques, s’expose sur les corps, intègre musées, galeries ou halls de bâtiments publics ou privés, et s’exhibe dans les rues. Les œuvres présentées ici confrontent des corps individuels et des corps collectifs, petite et grande histoire, corps, théâtre, poésie et oralité, s’ancrent, avec discrétion, dans des histoires sociales et politiques qu’elles perturbent clandestinement.

Les œuvres historiques de Carla Accardi, Etel Adnan, Guy de Cointet, Agnes Martin et Hessie dialoguent activement avec les propositions contemporaines de Caroline Achaintre, Pia Camil, Mathilde Denize, Adélaïde Feriot, Olivia Funes Lastra, Seulgi Lee et Nefeli Papadimouli, qui en reprennent les gestes pour mieux les continuer. L’exposition se poursuit avec une série de films de Virginie Barré, Ulla Von Brandenburg, Pia Camil, Ivan Cardoso, Olivia Funes Lastra, Jean Jacquemond (Sonia Delaunay), Hanna Schwarz, Sabine Tarry, et Jessica Warboys.

Ida Soulard

Vernissage : 17/06/2022 6:00

commissaire : Ida Soulard assistée par Camille Florance et Olivia Funes Lastra

Artistes de l'exposition >

Artistes

Aller à la barre d’outils