MATTHEW DARBYSHIRE | ANGE LECCIA
In situ 27 janvier 2018 - 24 février 2018Soit quatre objets emblématiques de notre contemporanéité : la chaise Aeron de Herman Miller, une valise Samsonite, une paire de Nike Airmax dans leur édition de 1995 et une roue de BMW. Matthew Darbyshire ne les expose pas tel quel dans la logique du readymade mais il conçoit des versions en résine transparente, les transformant en témoins de notre temps dans un jeu de présence et absence parfaitement maîtrisé. Entre passé et futur, les copies de ces objets usuels deviennent des formes archéologiques qui rendent compte d’une glaciation de notre présent. Ils constituent les signes matériels d’une culture vouée à la consommation qui résiste encore et toujours, à l’ère de l’anthropocène affirmée. Mais ces sculptures ont aussi été manipulées dans le cadre de performances menées par Roxman Gatt qui y a laissé ses empreintes, comme l’expression d’un contact physique qui vient contredire quelque peu leur dimension diaphane. Les traces affirment une interaction entre l’homme et ses prothèses dans une perspective fétichiste qui rend équivoque leur retrait en dehors du monde. Elles tirent un trait d’équivalence entre la personne individuelle et la chose inanimée, rappelant que les objets déterminent avant tout des rapports à notre environnement. Ainsi, les formes individualisées de Darbyshire constituent des êtres à part entière qui interrogent nos processus d’appartenance et d’identification sur le mode propre au fétiche mêlant le rapport social et historique à une relation plus personnelle.
Cette part fétichiste qui mêle matérialité et abstraction se retrouve dans les images qui constituent la trame des oeuvres d’Ange Leccia. Poussières d’étoiles réinvestit des bandes super 8 issues de sa banque de données pour constituer une trajectoire abstraite sur le fil de la mémoire sensorielle. La mer, les visages, et le ciel palpitent ici à la faveur des pulsations de la trame télévisuelle où les images ont souvent été refilmées pour dessiner une approche vibratile du souvenir, conçue comme une onde. L’énergie affective qui traverse cette proposition transforme une fois de plus les représentations en une véritable matière charnelle. Elle invoque les fantômes qui hantent toute remémoration vivante et convertit les impulsions électriques en une explosion lumineuse aussi fugace qu’un battement de cil. Les poussières de la pellicule et les aberrations des entrelacements de l’image vidéo assument la fragilité du processus mnésique. Elles traduisent une tentative d’embrasser le monde dans l’épaisseur de son existence physique qui ne se distingue pas d’une esquisse de symbolisation où les choses banales sont vidées de leur substance pour mieux être ressaisies par le désir.
Fabien Danesi
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