LOUIDGI BELTRAME | La huaca pleure

Hors les murs 20 janvier 2024 - 31 mars 2024

Adresse : CENTRE D’ART CONTEMPORAIN D’IVRY — LE CRÉDAC   La Manufacture des Œillets  1, place Pierre Gosnat  94200 Ivry-sur-Seine

Depuis 2012, Louidgi Beltrame développe une recherche au Pérou, laquelle l’a mené aux géoglyphes de Nazca, ou à filmer la pratique du curandero (guérisseur traditionnel ou chaman) José Levis Picón Saguma. À travers des films, des photos, des encres sur toile et une sculpture, produits pour cette exposition, l’artiste s’intéresse à la figure liminale du huaquero ou « fouilleur de tombe clandestin ».

Les huaqueros utilisent un ensemble de techniques magiques et vernaculaires afin de repérer les sépultures et leurs artefacts dans les ruines de pyramides et de nécropoles précolombiennes appelées huacas. Selon la tradition andine, ces sites sacrés sont des personnes. Le huaquero doit donc engager une relation de réciprocité avec ces existences « autres qu’humaines » afin de s’attirer leurs bonnes grâces, et pouvoir ainsi accéder à leurs trésors, notamment céramiques rituelles, parures en métal et textiles.

Si l’objectif pour le huaquero est de vendre une partie des objets trouvés, celui-ci opère au sein d’un réseau d’intermédiaires complexe incluant faussaires, collectionneurs, musées, mais aussi guérisseurs, chamanes et communautés rurales. Après leurs fouilles, les huaqueros se rendent chez un curandero pour se faire « nettoyer ». Ils lui offrent alors parfois, en échange du soin, un objet de la huaca. Ces transactions dépassent alors le cadre purement spéculatif et financier, puisque lors de ces cérémonies de guérison collective (mesas curanderas), les artefacts échangés réintègrent le circuit rituel et sacré, et redeviennent les agents d’une transmission de savoirs précolombiens.
La huaquería — la fouille clandestine — pourrait donc être perçue comme une forme de résistance à la colonisation et à la lecture rationnelle du monde, en permettant d’assurer des liens avec le passé. De ce fait, traditions, esprits et ancêtres demeurent vivant·es.

Le huaquero est considéré comme un spécialiste au sein des communautés andines, un genre d’archéologue empirique. Si d’un point de vue juridique son activité est illégale, se pose alors la question de sa légitimité en tant que membre de la communauté locale. En effet, les huaqueros, poussés par la nécessité et le contrôle postcolonial ont aidé et conseillé les archéologues occidentaux en mission d’exploration aux XXIe et XXe siècles, eux-mêmes à la recherche des précieux objets précolombiens que cachaient les huacas.

On dit que « la huaca pleure » lorsque des larmes de sable commencent à couler sur les bords de la tombe exhumée, et que celle-ci menace de s’effondrer et d’avaler les fouilleurs clandestins. Peut-être pouvons-nous assimiler ses pleurs à une forme de catharsis libérant mort·es et vivant·es des souffrances de la mémoire coloniale.

 

Vernissage le samedi 20 janvier 2024 de 17h à 21h, en présence de l’artiste.

Visites de l’exposition : 28/01, 17/03, et 31/03 à 16h (entrée libre)

Samedi 23 mars 2024 à 16h : conversation entre Louidgi Beltrame et Emanuela Canghiari

 

Plus d’informations ici

 

Photos Marc Domage

Vernissage : 20/01/2024 5:00

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