
SIMON MARTIN | La rivière
In situ 19 juin 2025 - 20 septembre 2025La galerie Jousse Entreprise a le plaisir d’annoncer La rivière, la nouvelle exposition personnelle de Simon Martin à la galerie du 19 juin au 20 septembre 2025*. Le vernissage est le jeudi 19 juin de 16h à 21h, en présence de l’artiste. (Fermeture estivale du 27 juillet au 1 septembre inclus)
Cette nouvelle exposition de Simon Martin à la galerie Jousse Entreprise, intitulée « La Rivière », marque une évolution dans son travail. L’intime, qui a toujours été l’une de ses préoccupations premières, ne s’y donne plus seulement dans sa texture émotionnelle ou dans sa sensualité latente : il devient matériau hétéroclite, terrain trouble où s’élabore un commentaire implicite sur la manière dont nos subjectivités se forment et se diffractent dans le monde contemporain.
Simon Martin part ici encore une fois de ce qui lui est familier : l’intimité de son écran de téléphone. Il s’agit d’abord de restituer la forme de cet environnement numérique. Toutes les toiles adoptent ainsi un format longiligne, vertical, calqué sur les proportions d’un smartphone. La finesse de la couche picturale — bien plus légère que dans ses séries précédentes — constitue une référence directe aux écrans . La majorité des tableaux obéissent à une même logique : celle d’un collage de deux images, sélectionnées au fil de ses navigations sur internet, et juxtaposées de manière à évoquer la dynamique continue du scroll*. Cette construction visuelle, où chaque peinture devient l’écho d’un arrêt temporaire entre deux contenus, transpose dans la peinture le flux discontinu des écrans. L’accrochage renforce cette sensation : les tableaux disposés à intervalles très réduits produisent une répétition visuelle presque mécanique. L’ensemble agit ainsi comme une surface saturée, sorte de mur-écran qui submerge le regard.
Thématiquement, l’intime, que Simon Martin avait jusqu’ici abordé avec romantisme, glisse ici vers quelque chose d’ambigu, voire d’angoissant. Ce n’est plus tant la tendresse des relations que les moments de latence solitaire, passés à scroller, qui sont ici examinés. La manière dont nos subjectivités se forment et se dissolvent dans le flux incessant d’images, et notre incapacité à contrôler ce processus. Se met ainsi en place une narration diffractée, une sorte de cadavre exquis visuel qui abolit toute hiérarchie entre passé et présent, culture savante et populaire. Sur les toiles, un portrait du peintre danois Hammershøi côtoie ainsi des tutoriels de maquillage, une scène intérieure rejouant les Raboteurs de Caillebotte jouxte une séance de musculation.
Le principe de collage produit surtout une tension qui naît du glissement subtil entre le reconnaissable et l’inconnu : des images banales deviennent troublantes une fois extraites de leur contexte et juxtaposées sans lien apparent. Ce déplacement fait affleurer, dans la continuité de la tradition psychanalytique et de la théorie des affects, l’ombre de ce que véhiculent nos routines visuelles — normes, désirs, pulsions. L’inconscient numérique devient matière picturale, et c’est dans cette friction entre saturation intime et perte de repères que se loge la tension de l’exposition. Le vert acide qui surgit dans certaines toiles, pour la première fois dans le travail de Simon Martin, accentue cette dissonance : il évoque les fonds verts factices des effets spéciaux, comme autant de réalités simulées. Plus souterraine, la présence récurrente de l’eau souvent trouble — pluie, flaques, reflets — prolonge cette inquiétude. Elle condense à elle seule les malaises de nos intimités digitales : besoin narcissique, nature fuyante des images, peur de l’effacement.
*Le mot scroll désigne l’action de faire défiler le contenu d’un écran, souvent pour afficher ce qui se trouve plus bas. La notion de scroll s’applique à tout écran qui n’affiche pas l’intégralité d’un contenu, mais on la trouve surtout sur les réseaux sociaux comme Twitter, Reddit, TikTok, Instagram. Le contenu affiché y est potentiellement infini, car il charge au fur et à mesure qu’on le fait défiler.
Image : Simon Martin, Milkshake recipe and algae in a river, 2025, huile sur toile, 180 x 90 cm
Communiqué de presse (PDF)
Vernissage : 19/06/2025 4:00 pm
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