Matthew Darbyshire, Caryatids

In situ 18 janvier 2024 - 17 février 2024

La galerie Jousse Entreprise est heureuse de présenter sa collaboration avec l’artiste et designer britannique Matthew Darbyshire à l’occasion de sa première exposition à la galerie architecture / mobilier rue de Seine à Paris. 

Caryatids est une série de 8 nouvelles sculptures-meubles de Matthew Darbyshire. Elles sont installées dans une volonté de dialogue avec des pièces maîtresses des archives de Jousse Entreprise. Cette présentation est installée dans un environnement cher à Matthew Darbyshire : elle prend la forme d’un appartement fictif. Ses objets sont emprunts de fonctionnalité et de mouvements. Ils nous font part de l’attention particulière que l’artiste porte à l’histoire du design et à l’évolution de sa pratique vers une approche plus performative et sociale. Cette nouvelle collection fait aussi preuve de son intérêt pour la contemporanéisation de formes iconiques et de sa fascination pour les matériaux et les procédés de fabrication innovants. On ressent également son humour mordant et une critique de la culture au 21e siècle. 

Comme l’évoque le titre, Caryatids s’inspire des colonnes grecques anthropomorphes. Mais là où nous nous attendrions à voir des corps féminins drapés, on retrouve en fait des impressions 3D de l’artiste aux cheveux hirsutes et vêtu de ses vêtements d’atelier. Ces oeuvres ne sont pas destinées à supporter de grands entablements réservés aux temples classiques, servant de refuge aux statues de déités : elles portent les surfaces ordinaires de sièges, de plateaux de tables et de paillassons. Autant d’objets qui facilitent des actions prosaïques et intrinsèquement humaines : s’assoir, manger et s’essuyer les pieds. 

Matthew Darbyshire se détache des poses classiques des caryatides grecques. Les postures adoptées par son double sculptural font écho à une variété d’objets cultes de l’histoire de l’art. Quand on regarde ces objets, ils nous évoquent un tabouret Luba ghanéen, l’Atlas Farnèse datant du IIe siècle ou même le Manneken Pis en bronze urinant dans une fontaine à Bruxelles. Ces créations rappellent aussi certaines oeuvres provenant des mouvements sculpturaux de l’après-guerre. On pense notamment à l’installation The Beanery d’Ed Kienholz (1965) avec ses pantins à tête de pendule, l’autoportrait Self Portrait as a Fountain de Bruce Nauman (1966), la série photographique Plank Pieces de Charles Ray (1973), ou encore l’oeuvre Pose Work for Plinths de Bruce McClean (1971). 

Dans cet ensemble d’objets, Matthew Darbyshire met en scène son double 3D en le représentant comme un assistant domestique. Ses caryatides sont également un hommage aux performances artistiques autour de la notion de service. C’est un travail évocateur de la série photographique d’Helen Chadwick intitulée In the Kitchen (1977) dans laquelle elle présentait des femmes habillées en appareils électroménagers pour un résultat hybride entre objets et vêtements. On y retrouve aussi l’influence des travaux novateurs de Mierle Laderman Ukeles qui avait transposé des processus de création artistiques dans des situations d’ordre domestique et civique lors de sa résidence au New York Department of Sanitation en 1977. 

On se doit de remarquer que ces projets ont été développés au cours de la même décennie que les meubles-sculptures Hatstand, Table and Chair d’Allen Jones (1970). Ces créations représentaient de jeunes femmes portant des vêtements et accessoires fétichistes et faites de fibre de verre, et qui servaient en fait de support aux différents meubles. En utilisant son corps d’homme d’âge mûr et sans prétention érotique comme base de ses meubles fonctionnels, Matthew Darbyshire nous propose une satire des potentiels aspects sexistes derrière l’oeuvre d’Allen Jones. 

Les caryatides ont bien sûr déjà été représentées et utilisées dans le monde du design. On citera ici les meubles anthropomorphes de Roger Tallon et sa Zombie Chair (1964), la série Emmenthaler recliner de Verner Panton (1979), les tabourets Gnome de Philippe Starck, et les chaises Bouloum d’Olivier Mourgue. Bon nombre de ces objets ont d’ailleurs été exposés par Philippe, Patricia et Matthias Jousse tout au long de leurs longues carrières. 

Les sculptures-meubles de Matthew Darbyshire sont aussi une référence plus directe à certain·e·s des designers régulièrement mis·e·s à l’honneur par Jousse Enterprise et dont les travaux sont aussi présentés au sein de l’exposition. Avec Caryatids, on retrouve des aspects du siège en contreplaqué cintré de Jean Prouvé, des luminaires de Roger Tallon, des bacs à fleurs de Maria Pergay, des plateaux de table en teck de Pierre Jeanneret, des totems sculptés d’Alexandre Noll et même des tapis de Pierre Paulin. 

L’exposition Caryatids revisite des épisodes de l’histoire de l’art et du design qui sont parfois contradictoires mais aussi complémentaires, pour un résultat humoristique poignant. Les poses figées de l’artiste font état de ses questionnements autour des concepts de perception du rôle et du statut d’artiste de nos jours. Il se moque avec subtilité des clichés qui entourent le travail créatif et notamment la représentation de l’artiste comme une personne emprunte de génie, solitaire, dévouée, stoïque, travailleuse, narcissique, mendiante, hédoniste et même prostituée. 

Chaque caryatide met en scène un scan 3D de l’artiste, imprimé grâce à des imprimantes 3D de pointe et composé d’éco-plastique végétal rigide. Cette technologie propre au 21e siècle est combinée avec des techniques traditionnelles de menuiserie et de ferronnerie et donnent ainsi vie à des oeuvres qui auront des usages pratiques. La palette de couleur de Caryatids est composée de bleu, de gris et de noir qui font écho aux teintes employées pour la production rapide de prototypes dans l’industrie du design. Ces couleurs rappellent aussi les motifs bigarrés du costume d’Arlequin : une figure comique qui rassemble les traits du loyal serviteur et du clown rusé. 

 

 

photo Max Borderie

Vernissage : 18/01/2024 6:00

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